about language translation loss and love, chap9 : eguchi
Les feuilles rouges craquent sous mes pas.
Le soleil brille et j'arrive dans un bâtiment blanc où tout le monde s'habille en noir, ça m'arrange.
Ici, les voitures s'arrêtent quand je pose le pied sur les bandes blanches au sol.
Pourtant, les passages piétons sont toujours les mêmes.
Bien qu'il y en ait des plus étendues, des plus nettes, des plus effacées.
Ils se lisent tous comme « passages piétons ».
J'entre en classe.
Quelqu'un dépose une feuille, où l'on peut voir des écritures différentes.
En haut de la page est écrit : « feuille de présence – cours d'Histoire Des Arts » en dessous de la liste de nom, j'écris thiaba diop egutchi.
Sur mon bulletin egutchi n'est pas là.
Sur ma carte d'identité non plus.
Alors il est toujours présent en fin de mail,
dans tous les pseudos de mes réseaux sociaux,
et comme nom de scène.
Personne ne me demande pourquoi. Tant mieux.
Et puis en 2017, c'est courant de signer avec le nom de famille de ses deux parents.
Je fais partie de ses noir•es qui apprennent qui le sont
pas par une histoire, pas par la parole, ma grand-mère, ou le wolof
mais parce-qu'ils ne confient par leur propre nom à leurs personnages blancs dans les jeux vidéos, par la visibilité des pansements beige sur leur peau.
et un jour je me suis rendu compte, que j'en avais plein le cœur
Depuis que j'ai fini l'Erg je porte moins de chaînes.
Et pour m'arranger, aujourd'hui ça ne se demande plus, surtout quand on s'injecte tous les mois
une ampoule de testostérone dans le cul,
si son prénom d'usage est son « vrai » prénom.
Un jour j'ai essayé de traduire le nom de famille de ma mère sur Google Translate. Mais le résultat était seulement "Eguchi" en lettres romaines.
En partant alors de l'idéogramme Chinois au Français, 江口 veut dire " estuaire ". "Un estuaire est la portion de l'embouchure d'un fleuve
où l'effet de la mer ou de l'océan dans lequel il se jette est perceptible.
Pour certains, il correspond à toute la portion du fleuve - semi close - où l'eau est salée ou saumâtre ;
pour d’autres, c'est la présence de l’effet dynamique de la marée sur les eaux fluviales
qui le définit ou encore un assemblage faunistique ou écologique typiquement "estuarien".
mais ça veut surtout dire.....
La lune depuis Tokyo et Bruxelles se tournent le dos,
comme わたし s'oppose à moi.
J'épaissis les cordes qui me lient au Japon,
imperceptible de part ma couleur.
Il ne me reste de cet endroit, que des réveils en sursaut
ou une lourde sensation d'échec
comprenant que j'ai su y remettre
les pieds, qu'en rêve.
Si j'ai tant de pansements sur le cœur c'est parce qu'un jour, où peut-être une nuit,
j'ai découpé mon cœur en deux.
mais ça veut surtout dire ....
Je l'ai enterré là, où les cigales le berceront pour toujours.
Les yeux rivés par les mots que j'essayais de modeler d'une langue, d'une matière à une autre,
mes yeux d'enfants n'ont pas su reconnaître la principale langue qui cristallisait ce portait familial.
La première que vous m'avez apprise. Celle qui s'est révélée à moi qu'une fois que j'ai cessé de la pratiquer.
Ni un père trop absent pour observer ses enfants,
ni une mère ultra présente, mais qui peut régulièrement
dormir à un mètre d'un de ses enfants se faisant abusé par l'autre, sans rien y voir - ne pouvaient me sauver.
Avec quels mots de toute façon?
À ce jour ma langue d'usage se traduit par une histoire coloniale évidente,
mais au moins, par cette lettre que je vous ai envoyé l'hiver dernier,
par ce texte que je suis en train de lire ici à la Bellone,
j'ai brisé votre Silence, que vous aviez fait mien.
Deux langues, deux cœurs, je suis toujours en vie.
La traduction assistée par ordinateur fonctionne avec de règles de traductions jusqu'à avant l'année de ma première dépression notable (2016)
Depuis, plutôt que d'être nourrie par des règles de traduction
elle fonctionne grâce à ce qu'on appelle le Deep Learning.
Elle apprend à traduire toute seule, grâce à des bases de données en masse.
Tu me dis des mots que je ne peux voir que d'un cœur.
Un ensemble de programmes vont agir et communiquer simultanément entre eux
comme un « réseau de neurones ».
J'ai plein de nœuds dans ma tête, je pourrai peut-être m'en servir pour recoudre mon cœur ?
Elle encode et décode une phrase et la traite de manière statistique
pour la contextualiser et lui donner du sens dans la langue cible.
Attention aux éclats et aux rebonds.
La machine se nourrit des corpus de textes avec une traduction correcte comme base de données
et se forge de sa propre idée d'une traduction correcte.
J''apprends à désapprendre et souvent je me trompe.
Peut-être que de concevoir la traduction assistée par ordinateur à son origine, comme un décryptage de codes,
comme une clé à des secrets de guerres,
était une erreur technique -
dans la mesure où les langues n'ont pas une règle de correspondance syntaxique qui les relierait parfaitement entre elles
- mais pas une erreur de pensée ?
Peut-on penser la langue autrement que comme une clé, comme le garant d'un secret, et de sa révélation?
Ce soir les portes vitrées des commerces laissent apparaître
de grands rectangles blancs sur le fond noir de la ville de Bruxelles.
Ils se déforment par le passage de silhouettes passantes.
Les lumières des phares des voitures dansent sur ce damier mouvant.
Je traverse le passage piéton, mais ne sais pas bien où me ranger sur cet échiquier.
de toute façon, je préfère jouer de la musique
愛 EGUTCHI /chapitre 9/
performance à la Bellone le 20 juin 2024 avec etcaetera lectures
pour naya
tous mes membres sont engourdis.
combien de temps suis-je resté assoupie sur cette plage ?
je regarde autour de moi.
l'océan me fait face et se dresse en miroir,
de l'azurin à la topaze au corail - du corail à la topaze, à l'azurin.
je suis seul dans ce vaste monde.
j'arrive difficilement à plier mes jambes trop longtemps inertes.
je rassemble mes forces pour me préparer à partir.
je ne voudrais pas que la nuit tombe avant mon départ.
trop de fois, je me suis emmêlé dans les nœuds de ma tête et me suis perdu sur le chemin.
parfois, je me perds si longtemps,
que je me demande même si j'ai bien un chez moi.
et dans ces cas, personne ne vient me chercher.
mes sens se réveillent petit à petit.
je sens l'iode dans l'air, le vent sur ma peau et derrière lui,
j'entends enfin des zozios résonner derrière moi.
je me retourne et observe entre les mancenilliers et les raisiniers s'ils sont bien réels ou dans ma tête.
leurs mélodies me laissent penser que j'ai encore du temps, avant de m'efforcer à me lever.
je crois apercevoir un toto bwa à la recherche de termites sur le tronc d'un arbre.
des vifs feuillages verts, un symbole géométrique se révèle et danse dans le ciel, qui ne finit de s'étendre.
il me faut quelques secondes pour reconnaître le torse rouge d'une frégate.
l'oiseau se dirige vers l'océan en dérobant mon regard.
contaminé par sa chorégraphie aérienne, mon cou se déploie lentement vers les vagues.
l'astre de feu me fait face.
je n'arrive pas à plisser les yeux tant sa présence me renverse.
ce que je croyais être la limiè du crépuscule semble être celle de l'aurore.
derrière le soleil, l'océan, le ciel et le sable ne sont plus qu'une vaste étendue corail. la chaleur humide caresse ma peau,
je suis dans la bouche du monde.
l'étoile s'imprime en une tâche verte et brillante derrière mes paupières.
mes yeux brûlent autant que me cœur se réchauffe.
j'entends mon pouls remonter à mes oreilles.
devant, vagues s'écrasent dans vagues
derrière, vent valse avec alizées et herbes à pic.
je me sens disparaître face au soleil
seul le tambour de mon cœur me rappelle que je suis.
mon rythme cardiaque résonne dans chacun de mes membres,
j'ai des fourmis dans le jambes
et la plage aussi.
elles forment deux couloirs devant moi
et transportent bouts de feuilles et autres objets invisible depuis mes yeux.
sous mes paupières soleil vert, sous le sable ossements des miens.
les fourmis magnioc et moi,
reposons sur un cimetière oublié d'une histoire célèbre,
raconté par les conques de lambi.
moi-même, il semble que de ma langue, je ne me souvienne que d'une petite partie.
mais courir entre les rouges crabes touloulous sur le sable noir,
et me perdre entre les lignes des coraux cerveaux,
je ne l'oublierai pas.
ma peau est blanchie par les milliers de grains de sable qui ont confisqué mon corps.
je me frotte les yeux comme la peau, pour retrouver mes esprits.
ce que je croyais être la limiè de la fin semble être celle du commencement.
pour naya, 2024
pour la performance ZING ZING au Cityfab1
lettre à une butch
joues brûlantes et souffle court,
tes épaules larges comme une maison entre nous et le monde.
ton regard ne dévie pas,
tes mains ne tremblent pas, ta voix douce et magnétique.
elle m'ancre sur le sol que je sens enfin sous mes pieds.
mon visage n'est plus à côté de mon corps, mon cœur ne bat plus dans mes tempes.
je t'entends, me dire que tu es là.
ta présence inonde la pièce
ta main se pose sur mon épaule,
je sens ta chaleur la contaminer.
elle se propage le long de mon bras
je la sens habiter les bagues autour de mes doigts, puis ma main jusqu'au bout de mes courts ongles.
mes joues picotent au souvenir de mes larmes.
le rythme de l'air ralenti sur l'anneau entre mes narines.
les nœuds dans ma gorge ont disparu.
je regarde la profondeur de tes yeux bruns qui vibrent dans les miens.
la douceur de ta peau brune qui fait écho à la mienne.
sur mon torse un large tshirt blanc
que je n'aurai jamais porté auparavant.
devant ma tombe, je m'habillais d'un costume noir, pour ne pas faîre tâche.
mais j'ai quitté ce cimetière
mon cœur bat et réveille les cicatrices sur ma poitrine.
mon ventre semble se mouvoir au même rythme que le tien.
sous ma peau brune, un chien noir dépasse de mon boxer,
il est accompagné de cœurs, d'étoiles et de fleurs,
comme dans la pièce
rien ne rime mais ta rencontre.
mon armure avale mes larmes de peur,
l'amour d'une butch allège mon cœur.
j'observe la familiarité de ta constellation de taches de rousseur.
je suis certain q'un jour je connaîtrai leur placement par cœur.
elles et toutes celles qui arriveront avec l'âge.
- ta butch
lettre à une butch, 2023
publié dans Amour Queer #2 édité par Caim Stibert
demi-deuil
installation sonore demi-deuil, 2022
exposé suite à la résidence Uitwijken avec Kunstenplatform Plan B à Zwankendamme
ultra doux
j'entends les mélodies de l'eau tomber sur mon corps,
l'humidité triple mes boucles, je croise mon reflet.
chaque mot fait écho entre ces murs
je passais mon temps à tirer de chaque côté du fil
j'avais mal aux épaules,
et l'eau commençait à être trop froide pour garder patience
les longs cheveux lisses de mes copines,
venaient chatouiller mes épaules et mes pensées
les rires des corps blancs qui m'entouraient
et habitaient le mien,
le fait qu'il me pensent belle
j'y étais attaché·e.
peut-être qu'un pot entier de démêlant suffira
pour nettoyer ces sentiments,
et dénouer ces liens.
il paraît que dans la plupart des shampoings
il y a un produit qui rend les cheveux super soyeux,
tandis que le cheveu n'est pas réparé.
le temps de démêler chaque nœud, d'autres se forment dans ma tête.
alors je me relève.
je coupe mes cheveux abîmés,
la lumière blanche de cet endroit,
mes liens avec eux.
je ne suis plus derrière ces clôtures de corps blancs
je suis à un autre endroit
un endroit où
je vois la fluidité et la vigueur dans les boucles que je croyais cassantes
les nuances infinies de brun et la vitalité de la peau que je trouvais sèche
dans le regard que tu portes sur les courbes de mon corps, que tu me trouves beau
tu me racontes que même dans Forest,
il y a des zones arides.
mais je vois des fleurs qui poussent dans tes mains,
mes boucles qui rayonnent dans tes yeux noirs
nos corps bruns qui s'harmonisent sur cette herbe, plus verte que je n'imaginais
et ses frontières qui s'enjambent
j'entends les mélodies de l'eau tomber sur mon corps,
l'humidité triple mes boucles,
je me rencontre,
chaque mot fait écho sur ce terrain
et il fait ultra doux.
installation sonore ultra doux, 2022
à l'exposition Lesbien.x.nes de BRAVE
des fleurs sur ma tombe
je n'arrêtais pas de trébucher.
tant que le décor autour de moi restait le même
quelque soit le nombre de pas que je faisais pour avancer.
comme si les hautes herbes m'attrappaient les chevilles. et me disait de rester.
alors je me suis assis.e au sol
et j'ai creusé la terre voir ce qui se cachait en dessous.
j'ai trouvé ce cercueil
il commençait a être recouvert de mousse. dedans, ce n'est pourtant qu'un enfant
comment peut-il être aussi lourd?
il était couvert de vieux lierre,
qui s'est enraciné dans mon cœur.
une plante
soule de leurs elixirs troublés
insassiable de mon propre calme
j'avais la tête qui tourne tant elle avait soif et buvait mes larmes
je ne voulais pas posséder leur corps,
je voulais qu'ils possèdent le mien. qu'ils me tiennent par la main,
les hanches,
le cou et les promesses
ses feuilles s'étendaient sur mon corps, ses racines entouraient mes bras,
il fallait qu'ils me dépossèdent, de ce que j'avais déjà perdue.
il était trop tôt pour faire le deuil.
«prends-moi prends-moi prends-moi»
ils m'ont tout prit
--
J'imagine ton sourire quand tu les as déposé,
éprise de toutes les ivresses.
Ces deux fleurs que tu as mis dans ma boîte aux lettres. Une rose pâle et une rose fuschia.
Même si je doute que tu te souviens de leurs couleurs.
Cette maison a une moquette fleurie.
Toute la maison a une odeur âpre et boisée.
Si je n'entendais pas la mélodie des cigales dehors,
j'en aurai presque oublié dans quel pays on était
Je ne sais plus si il faisait jour ou nuit.
Si les cigales étaient là ou si elles étaient tellement présentes de jour,
qu'elles hantaient seulement mes nuits.
comme sa présence passée qui m'habite encore, et encore plus la nuit.
l'odeur âpre et boisée a envahie tout ce pays.
ses feuilles sont les habitats de fourmies invisibles
qui me dévorent le corps de ses tiges poussent même des ortilles secrètes qui me démangent la peau.
elle m'a laissée des trâces sur tout le corps,
des cicatrices en forme d'étoiles, de cœurs et même un scorpion sur le bras.
ces cicatrices ornent ma peau,
celle que j'ai tenté de gommé de leur regard, en m'associant à eux.
je suis entré dans la foule.
et aussitôt j'étais seul.e.
je les ai vu.
à leur côté j'essayais d'oublier que je n'étais pas blanche. parce-que eux, l'oubliait.
il n'en avait peut-être aucune idée.
il voyait ma peau, en parlait, la fantasmait parfois.
en rigolait d'autre fois. et je riais avec eux, pour ne pas casser ma couverture.
celle qui me protégeait de mon reflet.
ils voyaient, mais ils oubliaient
ça leur a échappé.
j'ai peut-être tellement bien joué mon rôle,
qu'ils oubliaient que leurs ancêtres brisaient les miens.
je suis entré dans la foule.
et aussitôt j'étais seule.
je me suis vue.
en recollant les morceaux de ce miroir, j'ai brisé - ce fantasme,
de vouloir conquérir charnellement et amoureusement cet «idéal».
Peut-être que j’essayais de posséder à travers eux,
tout ce qu’ils m'ont fait croire qu'il me manquait :
la peau blanche, une bite et l’hétérosexualité.
en me mettant à genoux pour leur arriver à la cheville. Le charme est rompu.
je suis entré dans la foule. et aussitôt j'étais seul.e.
je t'ai vu.
à dix mètres de toi,
je sens ton parfum saisir ma mémoire
je sens sur ma peau la fraicheur de l'herbe noire. je vois les étoiles de plein jour.
tu inventes des constellations.
j'écoute le son de ta voix
et j'ai envie de t'entendre à nouveau.
tu me regardes enfin, tu me souries.
à dix mètres de moi,
je vois les tâches de rousseurs
sur ton visage.
ton regard annihile tous les objets précieux habitant ma chambre.
seule la lumière violette habillant mes murs, résiste à ta présence.
chaque jour depuis, j'improvise à t'aimer.
car j'nous ai jamais vu dans d'autres regards, d'autres corps, même pixelisés.
c'est un imaginaire qui ne m'a pas été offert.
pour s'aimer il faut être blanc.
pour aimer hors de l'hétéronormativité d'autant plus.
comment deux métisses peuvent elles être autres que jumelles?
nous sommes toutes la métisse du shampoing DOP cheveux secs et cassants aux côtés d'un homme,
souvent plus grand, un peu plus âgé,
mais au moins tout aussi noir, et qui lui ne peut être autre qu'amant.
Cette mauvaise herbe je ne la cultive plus. mais la plante de mes pieds
est bien au contact des joncs.
Et j'y vois plus claire.
j'ai vu mon regard,
peut-être de 15 années mon cadet, finalement rencontrer le mien.
j'ai sentie ma chaude main d'enfant, serrer la mienne.
je me suis entendu,
je me suis excusée,
je me suis me pardonnée.
de m'être laissée pour mort.e.
tu as déposée des fleurs dans ma boite aux lettres, j'ai déposée des fleurs sur ma tombe.
des fleurs sur ma tombe, 2021
performé à Museum Night Fever 2021 au KBR avec XENO
mère
je suis venue pour te voir
j'avais envie de faire corps avec toi,
et rêvasser a tes cotes toujours heureuse a l'idée de te voir
fatiguée quand je te quitte
mais surtout,
tu me caresses les cheveux,
avec toi je me sens si belle.
mes amies ne t'aiment pas pour les même raisons que moi,
elle preferent d'ailleurs te regarder de loin il me semble
je sais pas, en tout cas, elles ne passent que tres peu de temps avec toi.
le reste du temps, elles te fixent, allongées, presque nues.
elles me font coucou de loin
et moi je reste assise avec toi
tu me repousses, tu me retiens.
je passe mes doigts entre mes boucles ondulées,
la longueur de mes cheveux a maintenant presque doublé
le soleil est déjà parti,
mais reste sur nos corps
tout le monde compare ses couleurs,
il est l'heure de te dire au revoir.
peu de temps après avoir quitté la mer,
je me sentais encore plus laide qu'avant d'aller la voir.
c'est comme ma mere a moi,
du teint le plus pale, aux cheveux les plus lisses
je ressemble à ma mère
mais mes amies lui ressemblent plus
leurs cheveux etaient plus fins, mais parfois tout aussi raides
tout aussi - beau -
seule dans ma salle de bain,
seulement le temps d'un shampoing
je passe mes doigts entre mes boucles ondulées,
la longueur de mes cheveux a maintenant presque doublé
ils ne sont pas raides, mais moins gonflés.
moi aussi je me sentais belle.
mère, 2021
balade (into animal crossing wild world)
Je me balade sur ces plages, sans objectif.
Des fois je creuse des trous. Je joue. J’oublie le temps.
J’entends les vagues
et des mélodies légères.
Je respire
Sur ces plages, le seul moyen d’être noir.e,
c’est de se balader longtemps au soleil.
Le lendemain j'apparais avec la peau noire.
Au fil des jours je m'éclaircie.
Dans quelques heures, je retrouverai ma couleur blanche originelle
Je pourrais m’appeler Julie Clara Marie
Des prénoms qui m’ont toujours entourés.
Je suis aussi blanche que toutes mes copines. Et ma mère.
Seul un personnage blanc peut jouer sur cette île.
Elles ne me préviendrons pas.
« Thiaba » ça ne marche pas avec la peau blanche. Ça sonne creux. Ça fait mal aux oreilles. Ça dérange.
Aujourd’hui, je peux choisir la couleur de mes pixels. blanc, beige, brun, noir, jaune, rouge
Le temps est passé sur ma peau, je reste, noire.
Mère, Ce personnage porte enfin mon nom, maman Thiaba
Je range mes cheveux derrière mes oreilles. sur ces plages, les ondulations dérangent.
Quand vient l’été,
Julie, Clara, Marie, se baladent sur les plages, la mèche légère.
Elles creusent le temps
Leur objectif : avoir le teint plus noir.
bal(l)ade, 2021
exposé avec une installation sonore à Generation Brussels 2021 à la Tour à Plomb